Groupe Pratique et recherche CNV-Education/Décembre 2012

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Tour de parole : présentation rapide pour s'adapter aux mouvements du groupe et demandes

Demandes : attente du sujet de la justice réparatrice de Nathalie + Florence propose de partager un sujet + Sylvie souhaite illustrer le sujet de la justice réparatrice par une situation à laquelle elle a été confrontée.


Travail sur le sujet de Florence


Sujet :

groupe de 6 garçons turbulents dans une classe. Discussion de Florence et la prof principale avec eux, résultat positif (changement du comportement). Conseil de classe qui ne reflète pas ce résultat de la part des profs. Découragement de Florence et incompréhension, avec la PP. La semaine suivante, réception des 6 garçons exclus de la classe apparemment pour des motifs qui ne le justifient pas, corroboré par l'élève accompagnant. Rapport négatif de la prof et volonté d'exclusion des garçons.

"tour de parole" improvisé :

d'abord de deux professeurs Sylvie et Emmanuelle apportent un témoignage offrant un nouveau point de vue sur le conflit, puis partage d'Alix et Audrey en tant qu'ex-élèves, qui apportent aussi une autre vision des choses. Ces divers témoignages créent une relation entre chaque parti ayant pris part au conflit.

Résultat de l'écoute :

Florence a besoin d'être facilitée. Ce conflit a touché tout le monde, y compris le médiateur, qui doit donc trouver à son tour de quoi être facilité. Emmanuelle, pour sa part, a révélé qu'elle a besoin de contribuer au bien-être des élèves, ce qui semble générer deux stratégies : gérer le programme pour pourvoir à leur besoin d'évoluer et au besoin d'être rassurés par rapport aux examens, et en même temps passer un certain moment à gérer les conflits. Elle trouve un manque de cohérence entre le temps dont elle dispose et ces deux fonctions à assumer. Quant à Alix et Audrey, elles prennent conscience en tant qu’anciennes élèves que ce monde d’adultes est là pour les accompagner mais qu’il y a une cloison entre chaque partie (adulte, élève ou même entre adultes ayant des statuts différents)

Résultat de la recherche :

Le groupe "établissement scolaire" (= profs + élèves + CPE, etc.) a besoin de connexion entre ses membres, spécialement pour pouvoir traverser et résoudre les conflits. Or les membres ne trouvent ni le temps ni l'espace pour créer et entretenir ces connexions. Il pourrait être envisagé de mettre en place une "salle à conflit", comme il existe un lieu pour manger, pour dormir... Un conflit touche toutes les personnes concernées, y compris le médiateur.


Analyse des échanges autour du sujet de Florence :


Nathalie nous révèle que nous venons d’offrir les ingrédients d’une justice réparatrice sous sa forme la plus naturelle puisque nous avons réuni chaque partie prenant part au conflit.

Pour en revenir à la sanction, nous l’utilisons parce que nous n’avons ni le temps, ni l’énergie pour faire autre chose. Celle-ci monte en grade si elle n’a pas porté ses fruits. Or, lors d’une conférence à laquelle Nathalie a assisté, il est ressorti que pour les garçons qui n’arrivent pas à rentrer dans les apprentissages, la sanction peut les conforter dans leur rôle de caïd, c’est leur récompense dans le sens où ils sont admirés par des filles entre autres. Pour celles-ci, l’enseignement leur est plus adapté.

Il est possible de faire autrement. Ainsi plutôt que d’exclure quelqu’un il vaudrait mieux l’inclure pour enrichir la communauté. Avec la créativité de celle-ci, un système naîtra pour que tous soient entendus avec la présence d’un(e) facilitateur(rice) mais il sera nécessaire de trouver un lieu d’écoute neutre du ou des conflits. A l’issue de cette écoute, un plan d’action créé ensemble devrait permettre que tout un chacun réalise son besoin.


Pour la prochaine rencontre, il reste à déterminer un lieu et le groupe du 12 janvier déterminera ce qu’il voudra partager.



Le compte-rendu de Florence

N'ayant pas vu que le Compte-rendu avait été rédigé, j'en avais fait un de mon côté, que je vous livre car il me semble qu'il vient compléter le 1er.

J’ai donc commencé à exposer la problématique qui m’encombrait ce jour là. Il s’agit d’une classe de 2nde de 35 élèves, composée pour moitié de garçons (presque tous en enseignement d’exploration Création et innovation technologique), moitié filles (presque toutes en enseignement d’exploration santé et Social). Très vite après la rentrée (fin septembre) une jeune fille de la classe me fait part de son extrême malaise. Elle l’attribue à un manque de sécurité généré par un groupe de 6 garçons très clairement identifiés. Ceux-ci perturbent les cours, l’empêchant de pouvoir se concentrer. Or, elle a des difficultés et c’est vraiment important pour elle d’être attentive et concentrée en cours pour pouvoir suivre. Par ailleurs, ces jeunes-gens passent leur temps à se moquer des autres élèves – et en particulier d’elle – ce qui la fragilise beaucoup. J’alerte donc la professeur principale (ML) et nous décidons de recevoir les six garçons pour leur renvoyer le vécu de cette jeune-fille mais sans la nommer. Néanmoins, après cette entrevue, je suis saisie de divers rapports d’exclusion de cours concernant notamment ces 6 élèves et faisant état de problème d’attitude. Courant novembre, et toujours avec la professeur principale nous décidons donc de recevoir individuellement ces garçons et leurs parents pour les mettre en garde sur leur attitude mais aussi en rechercher les causes. Il s’avère, que sous des formes différentes et à des degrés divers, ils se posent tous la question du sens de leur présence en 2nde générale. Nous mettons donc en place des stratégies de travail individualisées sur leur projet personnel. Le conseil de classe de cette seconde a lieu au début de décembre. Lors du tour de table général, tous les professeurs font état de leur mécontentement et pointent du doigt ces six élèves. ML et moi avons un moment d’incompréhension et de découragement que nous n’osons cependant pas exposer vraiment dans cette instance. Dans la semaine qui suit ce conseil, les six élèves incriminés sont exclus une à deux fois par jour par leurs professeurs sous des prétextes divers (absence de matériel, attitude déplacée, retard en cours notamment). ML et moi décidons de recevoir à nouveau ces élèves en groupe pour leur faire part de notre déception mais aussi de notre colère. Mais nous nous rendons alors compte que certains ont vraiment le sentiment de faire des efforts et d’avoir changé d’attitude et que ces exclusions répétées génèrent en eux un très fort sentiment d’injustice. Certains d’entre eux se montrent donc découragés et même à deux doigts d’abandonner.

J’en suis là quand j’expose cette situation. Je suis vraiment désemparée par le mal être exprimé par ces élèves, leur détresse me touche et leur démotivation m’inquiète. Par ailleurs, je ne sais pas quoi faire de cela.


Nathalie prend donc le relai pour présenter la démarche d’une justice réparatrice et non punitive. Le système de « Justice » de l’éducation nationale est un système du type « carotte/bâtons », « Récompense/Sanction ». Face à un problème, un conflit, on n’ rien d’autre à offrir qu’une sanction.

Comment changer de système, sortir d’une méthode basée sur la peur, pour passer à un fonctionnement dans lequel l’Autre répond à notre besoin parce que cela a du sens pour lui ? Quelques éléments peuvent être favorisants :  Partir d’observations plutôt que d’étiquetage (ex « élève perturbateur »);  Considérer tout conflit comme un élan au service de la vie et créer des espaces sécurisés pour le vivre pleinement.  Sortir de la logique Coupable/Victime  Entendre les deux parties et rechercher à satisfaire les Besoins de chacun.  Introduire un tiers qui ne soit pas partie prenante dans le conflit.  Laisser de côté les catégories (ex : CPE/Professeurs/Elèves) qui sont clivantes.  Considérer qu’un problème n’appartient pas à l’un ou à l’autre, mais appartient à la Communauté.

A partir de là, Nathalie et le groupe m’ont proposé :  De ne pas rester seule avec mon problème,  De le partager avec les autres professeurs de la classe en posant une demande : par exemple, « je me sens désemparée, j’ai besoin de lien, de sens, de cohérence.»  D’essayer de trouver un « facilitateur » qui pourrait m’écouter et m’aider à clarifier cette demande.


Les suites de la situation

Ce que j’expose ci-dessous c’est l’évolution de la situation telle que j’ai pu la vivre après notre rencontre du 1er décembre, et la partager avec le groupe CNV éducation le 12 janvier 2013.

Je n’ai pas trouvé de facilitateur à proprement parler, mais je me suis tournée vers ML - la professeur principale - qui m’a aidée à poser mon ressenti, identifier mes besoins et exprimer ma demande. Nous avons ensuite décidé d’envoyer le courrier suivant à toute l’équipe pédagogique :

« Chers collègues, Florence et moi-même avons été un peu décontenancées par le tour de table qui a introduit le conseil de classe de 2nde 2. Nous avions en effet reçu en entretien tous les élèves identifiés comme "perturbateurs", soit seuls, soit avec leurs parents. Lors de ces entretiens, nous avions commencé à identifier les facteurs qui pouvaient expliquer leur désintérêt pour leur scolarité et pour certains d'entre eux, des propositions positives (notamment de travail sur leur projet personnel) avaient commencé à se mettre en place. A l'issue de ces entretiens, nous avions donc bon espoir qu'une autre dynamique se ferait jour pour chacun d'entre eux. Aussi la présentation très négative de la classe qui a été faite nous a vraiment désappointées. Bien plus, le fait que l'attitude de ces quelque six élèves continue de masquer le potentiel très positif de la classe nous a mis en colère. D'autant que dès le lendemain du conseil de classe, et suite à la demande de M. B [Le proviseur adjoint] de signaler chaque incident par un écrit, nous avons reçu de nombreux rapports constatant les manquements, notamment de ces élèves (défaut de matériel, retards, problèmes d'attitude). Ce qui nous laisse à penser que la situation s'est encore aggravée.

C'est donc très courroucées que nous avons reçu Z., I., N., Ch., P.et Co., [Les élèves] vendredi matin. Nous leur avons fait part de notre déception et de notre colère mais aussi de notre détermination à nous montrer sévères si leur attitude perdurait. Néanmoins, à la fin de cet entretien collectif, nous avons aussi senti que certains d'entre eux se sentaient vraiment démobilisés par ce discours. Nous pensons que ceux-là ont vraiment fait des efforts pour changer d'attitude et que nos reproches et les sanctions risquaient vraiment de les faire décrocher, ou de les enfermer encore plus dans une attitude frondeuse. Attention, nous ne nions pas les difficultés rencontrées pour gérer ces élèves et n'excusons en rien leurs comportements ...nous ne voulons tout simplement pas arriver à une situation contraire à celle recherchée. Or, même si nous en arrivons à des réorientations pour ces élèves, elles n'interviendront pas avant la fin de l'année. De même, les rapports pourront déboucher sur des exclusions temporaires de l'un ou l'autre, mais bon an mal, il faudra bien finir l'année avec eux.

Face à la multiplication des exclusions et au discours de plus en plus radical des élèves ("Je vais quitter le lycée", ou "de toute manière je ne fais plus d'effort maintenant"), nous sommes donc vraiment désemparées. Nous aurions vraiment besoin de votre aide pour réfléchir sur la manière la plus efficace et la plus juste pour tous de gérer la classe. Seriez-vous d'accord pour y réfléchir lors d'une réunion de l'équipe pédagogique qui pourrait avoir lieu jeudi à 12H00 ? »


La réunion a bien eu lieu. 7 professeurs sur les 11 que compte la classe, y étaient présents : Mme la Professeur de SVT, Mme la Professeur d’espagnol, Mme la professeur de physique chimie, M. le Professeur d’Histoire-Géographie, M. le Professeur de SES, M. le Professeur d’EPS et M. le Professeur de CIT. Ensemble, nous avons décidé d’une prise en charge collective de ces élèves sous la forme suivante (extrait du CR de la réunion rédigé par la prof principale) :

« Après des échanges sur la classe, plusieurs pistes ont été retenues pour tenter de gérer au mieux ce groupe d’élèves perturbateurs : • Recevoir individuellement les familles des élèves qui perturbent la classe depuis le début de l’année. Seront présents à cette rencontre : - l’élève et ses parents, - les collègues volontaires et disponibles à l’heure du rendez-vous avec la famille, - Florence et moi-même. Nous avons pensé qu’il était important que tous les acteurs soient présents. En effet, des solutions doivent être trouvées et mises en place avec la participation et l’adhésion de tous. L’objectif de cette rencontre étant : - dans un premier temps de faire un constat de la gêne occasionnée par l’attitude de ces élèves dans la classe et des conséquences que cela aura sur la suite de leur scolarité. - Puis, générer ainsi la prise de conscience par l’élève et la famille des problèmes soulevés par certains comportements. Chacun pourra exposer son point de vue et rappeler ce que l’on est en droit attendre d’un lycéen. - Enfin, trouver des solutions aux problèmes rencontrées pour éviter d’en arriver à l’exclusion et donc de l’intérêt de tous d’agir ensemble. • Proposer à chacun le choix d’un tuteur dans l’équipe des enseignants volontaires afin de mieux les accompagner et de suivre leur évolution. Nous avons souligné l’importance de leur faire part de notre satisfaction lorsqu’une amélioration est constatée. »

Cette réunion nous a donc vraiment soulagées, ML et moi. En effet, le problème ne posait plus sur nos seules épaules, il redevenait celui de la communauté (ici l’équipe pédagogique). Par ailleurs les solutions proposées étaient plus riches que celles que nous aurions pu imaginer toutes les deux. Surtout elles continuaient d’impliquer l’équipe dans son ensemble. Bien plus, elles y associaient les élèves et leurs parents. Enfin, il n’y a plus eu d’exclusion de cours après cette rencontre.

(A Suivre)