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Témoignage de Florence BARRE,

CPE au Lycée Max Linder de Libourne

(Article à paraître dans la Revue de la Vie Scolaire de l’ANCPE, numéro de mars 2014, sur le climat scolaire)


La CNV dans ma pratique de CPE[modifier]

Voilà maintenant un peu plus de trois ans que j’ai « rencontré » la Communication NonViolente. Cette technique de communication a vraiment changé ma pratique professionnelle en la rendant plus efficace, plus claire, plus fluide, plus inventive. Et au delà, cela a modifié ma façon de voir les choses et d’être CPE.


Une technique de communication efficace et sécurisante

Communiquer comporte deux temps : écouter et s’exprimer.

La CNV m’a permis de mettre en place une écoute vraiment empathique, vis-à-vis des élèves, des parents et de tous les collègues. L’écoute CNV permet effectivement de distinguer très nettement dans un échange ce qui m’appartient de ce qui est à l’autre. Cette écoute n’est pas une approbation de ce qui a pu être dit ou fait, mais un accueil bienveillant qui va permettre à l’autre de prendre sa responsabilité. J’ai par exemple convenu avec les élèves prompts à se mettre en colère de venir « exploser » dans mon bureau au lieu de le faire en cours. A la fin de l’entretien – où je n’ai fait que les écouter plus ou moins activement –, ils sont calmes, plus clairs avec ce qui les anime et plus conscients de leur responsabilité dans ce qui s’est passé et donc plus aptes à trouver des solutions. Parfois cette seule phase d’expression suffit ; parfois, cela leur donne une base pour entamer un vrai dialogue avec quelqu’un d’autre.

Cette forme d’écoute est aussi très sécurisante. Elle permet, par exemple, d’accueillir avec sérénité l’agressivité des autres, car l’outil CNV permet d’accéder à ce qui est caché derrière cette colère. Je me souviens par exemple d’un récent entretien avec une mère d’élève qui est arrivée « avec l’envie d’en coller une » à un professeur, et qui a finalement pu dire ses difficultés et sa souffrance car elle doutait de ses qualités de mère et de l’éducation qu’elle donnait à son enfant.

La Communication NonViolente est aussi, et même d’abord, un formidable moyen d’expression. Elle ne consiste pas en effet - comme on le pense souvent - à être gentil, mais à être vrai. Avec mes collègues ou mes supérieurs hiérarchiques, la CNV me permet de partager vraiment mes difficultés. Pouvoir exprimer et être entendue dans ce que je vis est d’ailleurs souvent suffisant pour les dépasser. Elle contribue aussi à ce que je sois claire et précise dans mes demandes, qui sont de ce fait plus souvent prises en compte. Élaborer et rédiger un projet devient à la fois plus facile et plus efficace.

Avec les élèves, la CNV a l’avantage de contribuer à donner du sens aux demandes que nous pouvons faire. Elle permet de contribuer à ce que l’on construise ensemble des règles de vie, l’exploration des besoins de chacun permettant d’arriver à des stratégies plus adaptées et aussi plus inventives, et en tout cas mieux respectées.

Lorsque l’on met en œuvre la CNV à la fois dans l’écoute et l’expression, on découvre que la Communication NonViolente est évidemment un outil extrêmement performant de médiation.

Enfin, je trouve cette technique de communication simple à partager et à pratiquer avec les élèves. Je peux transmettre ainsi tout ou partie de cette technique lors d’une médiation, d’une heure vie de classe, en formation de délégué, ou lors de la construction d’un projet.


Une véritable philosophie qui change subtilement mais sensiblement notre positionnement

La vraie richesse de la CNV réside pour moi dans le changement de point de vue qu’elle offre. Tout d’abord, grâce à la Communication NonViolente je m’autorise à être ce que je suis et ce que j’éprouve dans l’instant, et à l’accepter. Ainsi, un entretien demandant beaucoup de disponibilité, si je ne me sens pas en mesure de le faire au moment où on me sollicite, soit je propose un autre moment, soit – si c’est une urgence –, je le fais en indiquant honnêtement à l’autre mon niveau d’attention.

Ensuite, pratiquer la CNV signifie que je prends la responsabilité ce que je vis. Si une situation est difficile et source de souffrance, ce n’est pas la faute de l’autre, ou de la société, du système. C’est moi qui la vis douloureusement. A moi donc de chercher des stratégies pour soulager mon malaise. C’est une vision très responsabilisante qui me rend aussi le pouvoir de changer les choses. A l’inverse, la colère de l’autre et son agressivité deviennent plus faciles à accueillir, même lorsqu’elles s’expriment directement contre moi. Si je me place dans le cadre d’une médiation, cela me permet d’accueillir chacun de manière équitable, sans penser en termes moralisateurs, de coupable/victime par exemple.

La CNV signifie enfin que je renonce à avoir raison et à changer l’autre. Car ce qui est important ce n’est pas d’avoir le dernier mot mais de prendre soin de la relation. Or, c’est une proposition plutôt incroyable si je l’applique aux élèves ! Car cela veut dire que je renonce bien sûr à juger et évaluer, mais aussi à questionner et conseiller, ou même à soutenir et rassurer. Cela implique par ailleurs que dans une médiation, les deux membres auront droit à la même écoute de ma part, par exemple le professeur et l’élève.

Tout cela pourrait sembler dangereux, difficile à vivre. Quant à moi, cela m’a permis d’accéder à un positionnement qui me semble plus juste et donc à plus de clarté et de sécurité. Quant à mes interlocuteurs, ils me paraissent assez contents de ce nouveau type de relation.


Un outil efficace pour élaborer et faire vivre des projets au sein d’un EPLE

J’étais fraîche émoulue de ma première formation en CNV et je faisais partie d’un collectif d’adultes qui réfléchissait sur le climat de mon établissement. Ma contribution a précisément été de retraduire le fruit de nos cogitations en termes CNV. Cela nous a permis d’établir un diagnostic clair, de repérer la détresse qui était la nôtre face à certains phénomènes, de l’exprimer en termes de besoins et de choisir une stratégie qui pourrait nous permettre de les satisfaire. Et lorsque cette stratégie ne s’est plus révélée adaptée, la CNV nous a permis de reprendre notre questionnement et de reconstruire une stratégie adaptée. Le lycée Max Linder de Libourne (Gironde) est un important établissement qui regroupe environ 1850 élèves, 120 étudiants et plus de 200 personnels. On y déplore très peu d’actes de violence physique ou verbale. Néanmoins, travailler dans un établissement de cette taille n’est pas toujours simple. En septembre 2009, avec une petite dizaine d’adultes de l’établissement, nous décidons de constituer en groupe de travail pour répertorier et étudier la relation au travail dans le lycée et dégager des améliorations possibles pour toute la communauté. Nous posons alors le constat suivant : certains lycéens manifestent leurs difficultés à être des élèves par de l’absentéisme, une attitude décalée et/ou des résultats scolaires très faibles. Ils nécessiteraient une prise en charge et un accompagnement personnalisés. Surtout, ces profils autrefois très marginaux arrivent à représenter 15 % des lycéens, soit 5 élèves par classe. Par leur nombre, ces jeunes peuvent désormais faire basculer une ambiance de classe et devenir gênants pour tous leurs camarades et pour les adultes qui les encadrent. Un an et demi plus tard, ce constat sera repris par les personnels et lycéens qui travailleront sur le projet d’établissement. On y pointera notamment les difficultés d’adaptation et la perte de sens, les départs anticipés en cours de scolarité, les résultats aux examens en deçà des taux attendus, et même les incivilités et la fracture adultes / élèves (Observation).

Le groupe de travail pose parallèlement un autre constat : celui d’une souffrance des adultes face à ces nouveaux comportements d’élèves. Ils sont en effet face à une double demande : prendre en charge ces nouveaux lycéens et continuer à répondre aux exigences de l’institution (programmes scolaires, obligations de service, etc.) qui elles ont peu évolué. Or, cette double injonction peut déboucher sur des ressentis d’inconfort, de malaise, voire de souffrance (Sentiments).

Nous établissons aussi, notamment à travers notre propre vécu, que pour mieux comprendre et prendre en charge ces nouveaux lycéens, nous avons besoin d’échanges, de concertation, de coopération, et aussi de confiance et de soutien (Besoins).

Nous proposons donc - entre autres - la mise en place d’un « groupe de régulation » qui aurait comme objectif d’aider et soutenir les adultes de l’établissement dans leur prise en charge des élèves en mal-être. Ce nouvel organe est effectivement mis à la disposition de l’ensemble de l’équipe éducative lors de l’année scolaire 2010/2011. Il se réunit deux fois par trimestre avec l’aide d’un régulateur extérieur, une psychologue clinicienne (Demande). Le groupe fonctionne bien et le projet est reconduit en 2011/2012, mais en avril 2012, les participants au groupe de régulation – dont je fais partie – constatent que non seulement nous ne générons pas de nouvelles adhésions, mais nous regroupons de moins en moins de monde (Observations). De fait, nous-mêmes nous ennuyons lors des réunions, ou nous sentons frustrés de ne pas avoir la parole (Sentiments). Nous prenons alors conscience que nos attentes ont évolué par rapport à celles énoncées au départ. Nous décidons donc de les reformuler. Nous constatons alors que nous avons besoin non plus d’être aidés à mieux prendre en charge les élèves, mais d’être écoutés et de partager nos propres difficultés (Besoins). Le groupe décide donc de changer de régulateur et sollicite une intervenante formée à la Communication NonViolente (Demande).

Grâce à cette remise en question, ce groupe a retrouvé son sens. Dix-sept personnes y ont participé en 2012/2013. Lors du questionnaire de satisfaction final, 82 % des membres estimeront que chacun des objectifs fixés au départ a été totalement (64 %) ou partiellement atteint (18 %). Ce groupe rassemble à peine 10 % des personnels, mais qui sont issus de tous les services (éducation, enseignement, service, administratif, orientation, sanitaire). Et parce qu’il constitue un lieu d’échanges, de partage et même de convivialité, vrai, sûr et unique, son impact s’étend bien au-delà du cercle stricto sensu de ses membres. On lui doit une communication plus fluide, plus de cohérence entre adultes, un climat apaisé.