La joie d'être père (ou mère)/Je monte l’escalier (7 mois)

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Nous sommes samedi matin, genre 7h00 du matin. Nous sommes arrivés la veille dans notre maison de La Teste par le train vers 23h00. Autant dire que je suis au top de ma forme (la version légumineuse de la forme). Titouan vient de prendre son biberon et exerce ses récents talents de reptation à travers le séjour pendant que je me regroupe péniblement dans le canapé. Je le perds de vue pendant une poignée de secondes et scanne la pièce d’un regard endormi pour le localiser.

Le réveil est brutal et instantané : mon loulou est gaiment en train d’attaquer la quatrième marche de l’escalier. Escalier titouan.png


J’expérimente instantanément tous les poncifs livresques type mâchoire tombante, tripes nouées, pierre dans la gorge en chute libre vers le fond du ventre et autres muscles tétanisés. Une partie de mon cerveau m’aide énormément en me proposant des options constructives et cohérentes : « Pas de panique…Comment ça pas de panique ? Et tu comptes paniquer quand ? Arrivé à l’hôpital ? ». Bref, je suis serein et la situation sous contrôle. Deux besoins émergent néanmoins clairement de cette confusion : l’urgence à m’assurer que Titouan est en sécurité et l’envie de continuer à voir s’épanouir sur son visage son sourire ravi d’explorer un nouvel environnement et d’approfondir ses facultés de déplacement.

Je traverse donc rapidement la pièce pour me placer comme lui à quatre pattes dans l’escalier, juste derrière, les bras prêts à le rattraper s’il glisse. Je veille cependant à ne pas entraver sa liberté de mouvements. Je peux alors lui dire à quel point je suis épaté de le voir grimper si facilement les marches et l’encourager à continuer.

Ce qu’il fait sans se faire prier, visiblement ravi de pouvoir continuer son exploration et de partager ce moment avec son père. Arrivé en haut des marches il s’écrie « Maman !» et file vers notre chambre pour plonger dans les bras de sa mère qui oublie instantanément sa contrariété à être tirée d’un profond sommeil réparateur en apprenant que son bébé vient de gravir tout un escalier pour venir lui faire un câlin. Son sourire émerveillé me fait chaud au cœur et me conforte dans mon choix.

Choix de trouver une troisième voie entre deux besoins (ici, sécurité et exploration) qui peuvent sembler contradictoires au départ. Thomas Gordon décrit parfaitement ce dilemme entre « éducation autoritaire » et « éducation permissive ». Cloué sur mon canapé, la tentation était grande de céder à l’une (la première surtout dans ce cas précis) ou l’autre.

Qu’aurait pu être ma réaction « autoritaire » ? Me précipiter en criant et arracher Titouan des marches en lui intimant de ne pas recommencer tout en lui reprochant de m’avoir fait peur ? Il se serait certes trouvé temporairement en sécurité physique. Maintenant n’aurait-il pas été frustré de ne pas pouvoir s’essayer à ce nouveau jeu ? Et la sécurité acquise dans l’instant ne risque-t-elle pas d’être mise à mal plus tard, lorsqu’il cherchera à nouveau à assouvir son besoin d’exploration à un moment où je serais peut-être encore moins attentif ? (et il cherchera forcément, si vous êtes parent, vous le savez et si vous n’êtes pas parents, faites moi confiance ou demandez autour de vous !)

Quant à la version permissive, je ne m’imagine pas pouvoir assumer un choix où l’ayant laissé gravir les marches en le suivant émerveillé et battant des mains depuis le fond de mon divan, il aurait glissé et dégringolé du haut de l’escalier.

Je pourrais imaginer une version mixte, l’accompagnant dans l’escalier, prenant ses mains dans les miennes et l’aidant à monter les marches, lui laissant l’impression qu’il gravit l’escalier et concrètement, faisant à sa place. Mais je préfère faire un effort supplémentaire de vigilance pour lui donner l’opportunité d’exercer réellement ses aptitudes, d’apprendre et de se développer.

18 mois après cette première expérience, Titouan a gravi et descendu un nombre conséquents d’escaliers, marches, escabeau et échelles, en essayant plusieurs techniques (sur le ventre, le dos, assis, debout, en avant, en arrière) sans jamais se blesser.

Bien sûr, il a dérapé et glissé, mais nous l’avons toujours rattrapé à temps. J’ai aussi remarqué qu’il montrait beaucoup plus d’entrain et prenait de ce fait plus de risques les fois où nous étions derrière lui que les fois où il échappait temporairement à notre surveillance pour gravir l’un ou l’autre des escaliers de notre maison.

Bien sûr aussi, nous avons installé des barrières aux escaliers et nous les avons rigoureusement fermées pendant plusieurs mois…ce que nous avons arrêté le jour où il a fini par découvrir qu’il pouvait se glisser en dessous (j’avais aussi pensé écrire un guide de bricolage, mais je vais encore attendre un peu..). Nous lui avons alors expliqué qu’il était interdit de descendre l’escalier sans nous et demandé si nous pouvions lui faire confiance. Pour le moment, nous avons raison de lui faire confiance. En même temps, dès le départ, à chaque montée ou descente (du moins lorsque nous étions OK pour y consacrer 5 ou 10 minutes), nous lui demandions s’il voulait monter/descendre tout seul ou dans nos bras. Et respections bien sûr son choix. Je ne crois donc pas qu’il soit frustré et qu’il y ait un vrai risque qu’il franchisse l’interdit.

Einstein dit quelque chose comme « quand deux visions semblent opposées et contradictoires c’est souvent que l’on n’est pas dans la bonne dimension ». Je crois qu’il a appelé ça la relativité.

J’ai envie de continuer à chercher la bonne dimension dans laquelle les sourires de ma femme et de mon fils peuvent s’épanouir et me remplir le cœur.