Sortant avec Titouan un dimanche matin, je me dirigeais vers la petite supérette du quartier pour reconstituer nos stocks de mouchoirs en papier décimés par le passage d’un rhume. Me ravisant, je dis à Titouan, « Allons de l’autre côté, le magasin est fermé le dimanche matin ». Quelques centaines de mètre plus loin, il s’arrête devant la devanture d’un magasin de vêtements :
- « é fermé dimanche matin ? »
- (Moi factuel) Oui, ce magasin aussi est fermé le dimanche matin.
- Pou’quoi é fermé dimanche matin ?
- (Moi, pragmatique) Parce qu’il y a moins de monde.
- Et pou’quoi é fermé dimanche matin ?
- (Moi social) Pour que les personnes qui travaillent dans le magasin puissent se reposer.
- Et pou’quoi é fermé dimanche matin ?
- (Moi, familial) Pour que les personnes qui travaillent dans le magasin puissent rester chez elles en famille
- Et pou’quoi é fermé dimanche matin ?
- (Moi pédagoque) Tu sais bien que Papa et Maman ne travaillent pas le dimanche, comme ça nous passons la journée ensemble, et bien, pour les personnes qui travaillent ici, c’est pareil
- Et pou’quoi é fermé dimanche matin ?
- (Moi, à court d’idées)….
- Et pou’quoi é fermé dimanche matin ?
- (Moi, cherchant une idée nouvelle)…
- Et pou’quoi é fermé dimanche matin ?
- (Moi, refusant de capituler vers un inéluctable « Parce que c’est comme ça) : …
- Et pou’quoi é fermé dimanche matin ?
- (Moi, touché par la fée CNV) « Tu es contrarié que le magasin soit fermé ? »
- « Oui »
- (Moi, fouillant le filon) : « Tu aurais voulu entrer voir ce qu’il y a dans le magasin ? »
- « Oui »
- (Moi, plein d’espoir) : « si tu veux, nous pouvons aller voir plus loin, il y en aura peut-être un autre ouvert. Tu viens ? »
…et Titouan de ré-enfourcher sa trottinette et de continuer son chemin sans un regard supplémentaire au magasin «fermé dimanche matin ».
Ravi, mais néanmoins circonspect face à cet arrêt brusque de la litanie des « et pourquoi ? », je me demandais si mon questionnement était bien la cause de l’interruption.
Quelques minutes plus tard, un Vélib’ tombé sur le trottoir me donna l’occasion de faire une nouvelle expérience :
- « Et pou’quoi tombé le vélo ? »
- (Moi, les réflexes ont la peau dure) : « Et bien, il a dû glisser »
- « Et pou’quoi tombé le vélo ? »
- (Moi, quand je vous le dis) : « Il ne devait pas être bien mis »
- « Et pou’quoi tombé le vélo ? »
- (Moi, en progrès) : « Tu es contrarié que le vélo soit par terre ? »
- « Oui »
- (Moi, voyant la suite venir, comme si je n’avais que ça à faire de redresser des vélos, et en même temps, curieux de continuer cette expérience) : « Et tu voudrais que Papa remette le vélo droit ? »
- « Oui »
- (Moi, y a pas à dire, c’est lourd un Vélib’) « …voilà ! »
A nouveau, Titouan repris son chemin.
Pour s’arrêter un peu plus loin devant la fenêtre d’un soupirail :
- « é fermée la fenèt‘e ? »
- « Oui,elle est fermée »
- « Et pou'quoi fermée la fenèt‘e ? »
- (Moi, tête de pioche quand même) « Parce qu’il fait froid »
- « Et pou’quoi fermée la fenèt‘e ? »
- (Moi, quand je vous le dis ) : « Pour garder la chaleur, à la maison aussi nous fermons les fenêtres »
- (Variante) « e’ pou’quoi ga‘dé la chaleur ? »
- (Moi, me décidant en fin à embrayer pour sauver mes dernières gouttes de salive d’une mort affreuse dans la vallée aride des ‘épouquoi‘) : « Tu es triste que la fenêtre soit fermée ? Tu aurais voulu aller voir à l’intérieur ? »
- « Oui ».
Fin de la discussion et des « épourquoi » du matin.
Je me demande quand même si ça marcherait avec un enfant plus grand…
« é pou’quoi pas ? »