Titouan ayant décidé qu’il n’avait plus envie de rester assis sur le chariot et qu’il était temps de se dégourdir les jambes, ne tarda pas à filer dans un rayon, rayon possédant qui plus est un gros pilier en son milieu, parfait pour jouer à cache-cache. « Titouan, je ne veux pas que tu joues à cache-cache dans les magasins. C’est interdit ».
Après ce rappel à l’ordre limpide, il se contenta pendant une dizaine de minutes de baguenauder d’un pas tranquille dans les rayons, déplaçant ça et là pots de yaourt et tablettes de chocolat ou décidant que le carrelage associé à sa veste en polaire offrait de merveilleuses possibilités de roulades, glissades et autres rampés. Bref, rien d’alarmant.
Ce type d’activité ludique ne lui permettant pas de se débarrasser des fourmis qui lui assaillaient les jambes, il reprit rapidement son pas de course au détour d’un rayon, persuadé d’entraîner son père à sa suite dans un super jeu de course poursuite. Parti avec 5 mètres de retard et ralenti par l’envoi acrobatique de paquets de film alimentaire dans le chariot, je ne le rattrapais qu’au détour du deuxième rayon. Je lui dis alors « Titouan, je suis très inquiet quand je ne te vois pas dans le magasin. Je veux pouvoir m’assurer que tout va bien pour toi et que tu n’es pas difficulté. Si toi tu as envie de courir, j’aimerais que tu le fasses dans le rayon où je suis pour que je ne te perde pas de vue. Sommes-nous d’accord ? » « Oui ». Je le ramenais dans le rayon où se trouvait le chariot, lui expliquait que j’avais encore des achats à y faire et qu’il pouvait courir dans ce rayon s’il le souhaitait. Ce qu’il s’empressa de faire en riant et sans quitter mon champ de vision.
Nous finîmes les courses sans péripéties plus importantes que celles rapportées au deuxième paragraphe et nous retrouvâmes à faire la queue devant les caisses. Tous les parents qui ont essayé cet exercice avec un enfant de deux ans comprennent instantanément le désaccord profond entre cette activité longue et statique et l’énergie du bout de chou. Les autres ont forcément déjà constaté de visu les ravages causés par cette incompatibilité structurelle.
Après une première tentative de jeu tuée dans l’œuf par l’autorité paternelle (objet du jeu : empiler les pots de compote en verre), Titouan a essayé pendant quelques temps de faire tenir à la verticale des supports d’étiquette qui retombaient systématiquement pour son plus grand plaisir(pur moment de détente de mon côté). Estimant sans doute qu’il s’ennuyait ferme, il se ré-élançât pour un footing dans la profondeur d’un rayon.
Après l’avoir rattrapé et ramené près de la caisse, je le conservais dans mes bras et le sermonnais ainsi : « Titouan, je t’ai dit que j’avais besoin de te voir pour être rassuré, je te demande de rester à côté de moi. Est-ce que nous sommes d’accord ? »
« Non ».
« … »
En moi-même : « comment ça « Non » ? » ,
puis « Ok, je suis énervé, en même temps, cette question n’était pas sensée être de la rhétorique, mais une demande, il a donc le droit de répondre non ».
A Titouan « Pourquoi non ? »
En moi-même « Et là tu espères vraiment qu’à 2 ans, il va te répondre ? Tu pourrais peut-être essayer de l’aider » A Titouan « Est-ce que tu as encore envie de courir ? »
« Oui ».
« Bon, écoute, je veux bien que tu coures, si tu le fais dans le rayon là, où je peux te voir. Est-ce que tu es d’accord ? »
« Oui »
A peine posé par terre, il détala à toutes jambes et hilare dans le rayon. Après un ou deux allers-retours pendant lesquels il s’assura avec beaucoup de soin qu’il me voyait et que je le voyais, il revint près de moi.