Groupe Pratique et recherche CNV-Education

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Les rencontres de ce groupe ont lieu à Bordeaux. Les infos pratiques sont renseignées à la page Bordeaux #Groupe Pratique et recherche CNV-Education.

Compte-rendus

2012

Octobre

Nous étions huit, à la réunion CNV et éducation du 6 octobre: Florence, Sylvie, Marise, Isabelle M., Emmanuelle, Stéphanie, Laurence, Nathalie.

Chacune d'entre nous s'est présentée et a exposé son activité, son rapport à la CNV et ses attentes à l'égard du groupe. Il est apparu que les motivations qui animent les unes et les autres sont diverses mais se recoupent : sortir de l'isolement dans sa pratique originale, améliorer son fonctionnement, faire exister la CNV dans le monde (de l'éducation en l'occurrence).

Nous avons donc envisagé pour l'instant que le groupe pourrait consister en activités variées et vivantes : partage de situations difficiles que chacun aurait envie de travailler avec le groupe, célébration de situations réjouissantes, recherche d'idées, mises en situation (jeux de rôle), réflexion ancrée dans l'expérience de chacun sur des thèmes qui se dessineraient au fil des séances.

Nous avons envisagé aussi, mais laissé en suspens pour l'instant, un soutien par mail ou téléphone entre les réunions pour ceux ou celles qui auraient une urgence, ainsi que la possibilité d'ouvrir le groupe parfois à des personnes du monde de l'éducation curieuses de nos pratiques mais non formées à la CNV.

Nous avons évoqué également la possibilité de nous joindre au réseau éducation de l'association CNV, pour profiter de leurs expériences ou pour ajouter les nôtres.

Nous aurons grand plaisir à accueillir la prochaine fois les personnes qui ne pouvaient être là ce samedi. Nous avons pensé que nous ne recommencerions pas nous-mêmes les présentations détaillées que nous avons faites cette fois-ci ni le tour des attentes. Nous envisageons de proposer aux nouveaux de se présenter puis d'adopter dans un premier temps la forme que nous avons concoctée ce 6 octobre. Il va de soi cependant qu'au fil des réunions, chacun pourra faire part de ses manques ou de ses idées nouvelles.


Novembre

Nous étions 11 à la rencontre du 10 novembre : Marise, Christophe (Vallée) V, Emmanuelle, Stéphanie, Elsa, Sylvie, Catherine-Stéphanie, Isabelle M, Florence, Alix, Nathalie

A l'issue des tours de paroles (présentation des nouveaux arrivants et description par chacun de ce qu'il attend de ces rencontres), il est ressorti des thèmes d'études possibles: l'enfant médiateur, la punition/sanction, Qu'est-ce qu'enseigner ? Comment aller chercher un enfant qui est fermé ? La motivation.

Pour ce jour il est retenu 3 thèmes, étudiés en groupes : l'enfant médiateur, la punition/sanction, la motivation.

Groupe Motivation :

Avant tout, la motivation ne peut venir que de "l'intérieur", de soi, et ne peut pas être imposée par un autre, un tiers, un "extérieur", ou alors on ne peut plus parler de motivation, mais presque d’"ingérence".

Ensuite, pour que la motivation puisse trouver sa place dans un travail de classe, la mise en place d'un climat, d'un environnement semble essentielle : celui-ci doit être garant de sécurité, respect, de parole libre, d'écoute. Pour porter ces valeurs, un fonctionnement "sociocratique" (où chacun est consulté pour les orientations et décisions) permet justement que la parole de chacun soit prise en compte, asseyant ainsi peu à peu la motivation de chacun.

Face à ce qui favorise la motivation, il y a aussi ce qui la freine. En particulier, les inquiétudes de l'enseignant peuvent constituer un frein au fonctionnement sociocratique (tendant à l'autocratique). Ici, c'est la capacité de ce dernier à en prendre conscience et à faire évoluer ses inquiétudes qui va contribuer à une meilleure motivation de chacun, puisque les paroles seront davantage considérées.

Groupe punition/sanction :

La sanction est ressentie comme une nécessité pour marquer un décalage entre l'attente et l'acte. Cela peut aussi être le moment pour clarifier une attente. Elle devrait être porteuse de sens. Dans certains cas, lorsqu'aucune amélioration n'est constatée, l'enchaînement des sanctions peut être interrompu car nous arrivons en limite de ce que nous pouvons faire. On en vient ainsi à rompre le lien. Nous avons arrêté la réflexion sur le côté désagréable du déni de responsabilité (ex: c'est pas moi qui bavarde).

Groupe enfant médiateur :


Compte-rendu Christophe :

Dans un premier temps, j'ai présenté le principe du projet, et ses différentes avancées :

Il s'agit d'un système de médiation par les enfants : en cas de conflit entre deux enfants ou plus, ces derniers font appels à deux enfants médiateurs, qui ont été au préalable formés, pour les aider à résoudre leur conflit. Cette médiation se fait dans un lieu défini dans l'école.

Les différentes avancées, et actions menées : Prise de contact et échange avec des enseignants ayant mis en place ce système dans leur école, Prise de contact, et chiffrage financier par des entreprises proposant la formation d'enfants médiateurs, ou la formation d'un groupe d'adulte, qui, chaque année, formerait les enfants. Entretien téléphonique avec un conseiller pédagogique particulièrement sensible aux techniques de communication, et à la responsabilisation des enfants, et qui est près à s'investir dans ce projet, Présentation du principe aux collègues (deux sont intéressés, les autres ont fait un retour très timide. Réunion avec des personnes de la communauté de commune (le responsable du personnel, et la personne chargée des écoles)

Dans un second temps de notre travail, Elsa et Nathalie m'ont questionné pour m'aider à trouver à la fois les éléments qui me freinaient pour poursuivre le projet, et les éléments importants pour moi, les valeurs, les besoins, qui m'ont poussé à initié ce projet.

Les freins : Sans rentrer dans les détails personnels, il est apparu : . Que je ne me sentais pas pleinement légitime à travailler sur ce projet dans ma classe (cohérence avec ma « casquette d'enseignant », temps passé à travailler la-dessus en classe, au détriment des matières plus « scolaires »), . Que j'étais inquiet de la manière dont les autres me perçoivent au travers de ce projet (peur d'être perçu comme laxiste, qu'on pense que c'est une « lubie » sans réel lien avec les apprentissages dit fondamentaux, ... . Que des expériences difficiles avec des familles en début de carrière (enfant retirés de ma classe), et il y a encore quelques années (visite et contre visite de l'inspecteur, en particulier sur la correction des cahiers), me mettent en fragilité, dès que je m'écarte de la pédagogie traditionnelle.

Les motivations et les valeurs De cette partie de la discussion, je retiens : . Que l'ambiance, le climat dans la classe, est un élément très important pour moi, . Qu'un système d'enfants médiateurs participerait à cette qualité de climat par l'apaisement des tensions, . Que d'autres éléments, hormis ceux que je mets déjà en place, et ce projet, sont à réfléchir, . Que la valeur d'égalité, qui est aussi présente dans ce projet, est très importante pour moi (dans une médiation, chacun des enfants est à égalité, et si un adulte y participe, c'est aussi sur un plan d'égalité avec les enfants, que les besoins d'un enfant agresseur y sont considéré autant que ceux de l'agressé, ...), . Que mettre l'enfant dans une position d'acteur de la vie en communauté, et acteur de changement dans la classe, est également pour moi un élément important, que ce soit pour la classe, ou pour la communauté, à court terme, et à long terme.

Ainsi, même si j'étais conscient d'une partie de ces éléments, les exprimer, les rattacher à mon projet, m'a permis non seulement de me rassurer sur ma légitimité à le mettre en œuvre, et m'incitent à placer ce projet comme une des stratégies possibles pour continuer à avancer sur tous ces éléments importants pour moi.

Nous avons également passé un moment à chercher des solutions pour satisfaire mes besoins de sécurité, en particulier vis à vis des parents. Pourquoi pas, par exemple, proposer une réunion avec les enfants et les parents, durant laquelle nous échangerions sur le climat dans l'école et dans la classe : observation de la manière dont enfants et parents le perçoivent, et propositions de stratégies pour l'améliorer (les enfants médiateurs pouvant faire partie de ces stratégies).

Elsa a rappelé que pour elle, comme parent d'élève, c'était important d'être associée à la vie de l 'école, et que cela pouvait entre autres avantages, réduire les peurs des parents (dont la peur que l'enfant soit plus sévèrement traité si le parent exprime un désaccord sur ce qui se passe en classe).

Nathalie a raconté son expérience d'enseignante en maternelle : un travail avait été fait par les enfants de moyenne / grande section, pour donner du sens aux règles proposées, et surtout pour expliquer aux plus petits, à l'aide de panneaux, et de présentations, le contenu des règles, et leurs raisons d'être. Pour Nathalie, ces actions tirent leur force du fait qu'elles partaient d'envie des enfants, et que l'enseignant était là avant tout pour leur offrir les moyens d'avancer dans leur projet.

Cette discussion, comme je l'ai précisé dans le moment de partage, m'a beaucoup apporté, en ce sens qu'elle m'a bien recentré sur mes besoins et valeurs personnelles, et que j'ai des débuts de solutions pour trouver de la sécurité, et me mettre au mieux au service de ce qui est important pour moi. J'ai bien aimé le partage de l'expérience de Nathalie, car j'ai également souvent travailler dans ce sens (envies, élans, et propositions des enfants d'abord), et c'était toujours riche en résultats, et en émotions chez les enfants et chez moi. Grand merci au groupe, à Elsa et Nathalie (et puis à moi aussi, y a pas de raison !) pour ce moment.


Compte rendu Elsa :

Quels sont les freins du porteur de projet l'empêchant de le démarrer en solo ?

  • manque de légitimité ?
  • peurs liées à des expériences passées ?
  • craintes de l'échec ?
  • peur du regard négatif d'autrui dans son travail ?
  • peur que les autres pensent qu'il ne fait plus que de la médiation, sans plus s'occuper de son boulot d'instituteur ?
  • peur que le programme pour les élèves partant vers le collège ne soit pas bouclé ?
  • peur d'être jugé comme "laxiste" par les parents d'élèves car peu ou plus de punition à terme ?
  • peur d'être incompris par l'inspecteur et/ou le directeur ?
  • peur de conséquences appartenant au passé, telles que le fait que des parents retirent leur enfant de l'école ?
  • etc ...

Quels besoins se cachent derrière chacun de ces freins ?

  • cohérence avec la mission d'enseignant de CM1 et CM2 =
   pour cela lister les apports pédagogiques multi-dimensionnels de la médiation :
   agir pour améliorer le vivre ensemble,
   permettre le développement de compétences utiles aux élèves au quotidien et à l'avenir (collège, lycée, citoyen, etc ...),
   les rendre acteur dans l'école car c'est une expérience transposable dans la vie en général,
   changer le climat relationnel et les conditions d'apprentissage au sein de la classe,
   faire baisser la violence entre élèves et entre adultes et enfants,
   apprendre à faire de la prévention et/ou de la gestion des conflits par une recherche d' issues à ces confrontations inévitables
   comment participer à un groupe en proposant du respect mutuel
   écouter sans se blesser, s'exprimer avec authenticité sans nuire,
   éducation civique et citoyenneté,
   apprendre l'échange et coopération / le cercle de paroles pour les enfants et/ou pour l'équipe, etc ...

Autres besoins

  • légitimité : quelle est la formation du porteur de projet à cette approche ? Quelle(s) formation(s) ou module(s) complémentaires peuvent être utile ? Quelles acquis et expériences personnelle au porteur de projets sont d'ores et déjà disponibles et transférables par lui ?
  • besoin d'écouter un élan personnel pour mettre en place une autre manière d'enseigner (se respecter soi)
  • besoin d'apaisement, de plus d'harmonie, de considération réciproque, de plus de sécurité par la baisse de la violence physique mais aussi verbale
  • besoin de me réaliser davantage dans mon travail et ma mission (évolution, congruence, enthousiasme)
  • besoin de plus de dialogue, d'une meilleure communication entre individus partageant un même lieu plusieurs heures par jours et 4 jours par semaine
  • besoin de considération pour mon implication, mon investissement dans ma mission pédagogique par l'intégration de la médiation
  • besoin de communiquer sur les objectifs et les avantages de la médiation en classe et à l'école : gagner du temps = en perdre moins avec punitions, conflits et autres tensions, etc ...
  • besoin de soutien dans ma démarche = quelle est la plus petite unité de sécurité que je peux d'ores et déjà entrevoir ?
  • besoin de partager mon enthousiasme et mes objectifs
  • besoin d'ancrer en moi, puis dans la présentation de mon projet, les motivations profondes qui m'animent et qui sont tournées vers les enfants et leur autonomie
  • besoin d'agir pour participer, à mon échelle humblement, à un changement vers plus d'harmonie dans les relations humaines, intergénérationnelles aussi
  • besoin d'aller à l'école avec plaisir (moi et les enfants car ainsi les apprentissages se font mieux)
  • besoin de favoriser le bien vivre ensemble jour après jour et ainsi permettre aux enfants en difficultés d'oser poser des questions par exemple, apprendre au enfants qui pigent vite l'accueil et la tolérance vis-à-vis de la différence de rythme, l'entraide, la coopération, et le fait que aider aide à intégrer en soi aussi (transmettre ce que l'on sait)
  • besoin de sentir de l'adhésion envers la démarche (soutien psychologique dans ma vie privée et professionnelle)
  • besoin de participer à l'autogestion des élèves face à leurs difficultés actuelles et futures (aider à grandir de l'intérieur, de maturer)
  • besoin de faire évoluer un système dominant, en échec à ce niveau là, par l'apprentissage du respect dans les relations humaines, agissant sur la baisse de la violence

Faut-il un espace, un local pour la médiation ou les médiateurs référents ?

  • quels besoins derrière cela ?
  • qui le gèrerait ?


Pour finir la réunion, nous nous sommes retrouvés en "réunion plénière" pour partager les réflexions de chaque groupe de travail. Certains se sont sentis frustrés de ne pas avoir assisté davantage aux discussions sur les autres thèmes, même si un compte-rendu en avait été donné. C'est pourquoi il a été choisi pour la prochaine rencontre de ne partager qu'un seul sujet, choisi le jour même : comment s'occuper des conflits au sein de l'école ?

Cette nouvelle organisation (un seul thème plutôt que 3) sera comparée à la première, et le groupe se laisse la liberté de choisir à nouveau celle qui lui convient le mieux, quitte à alterner.

Nous pourrons aussi traiter les cas d'urgence s'il y en a.

Quant au lieu d'accueil, il sera décidé d'une rencontre sur l'autre afin d'expérimenter encore une fois ce qui convient le mieux au groupe, avec une préférence à ce jour pour que le lieu d'accueil ne soit pas toujours chez Nathalie dans un souci de la soulager.


Décembre (ouvert à toute modification ou rajout)

Tour de parole : présentation rapide pour s'adapter aux mouvements du groupe et demandes

Demandes : attente du sujet de la justice réparatrice de Nathalie + Florence propose de partager un sujet + Sylvie souhaite illustrer le sujet de la justice réparatrice par une situation à laquelle elle a été confrontée.


Travail sur le sujet de Florence


Sujet :

groupe de 6 garçons turbulents dans une classe. Discussion de Florence et la prof principale avec eux, résultat positif (changement du comportement). Conseil de classe qui ne reflète pas ce résultat de la part des profs. Découragement de Florence et incompréhension, avec la PP. La semaine suivante, réception des 6 garçons exclus de la classe apparemment pour des motifs qui ne le justifient pas, corroboré par l'élève accompagnant. Rapport négatif de la prof et volonté d'exclusion des garçons.

"tour de parole" improvisé :

d'abord de deux professeurs Sylvie et Emmanuelle apportent un témoignage offrant un nouveau point de vue sur le conflit, puis partage d'Alix et Audrey en tant qu'ex-élèves, qui apportent aussi une autre vision des choses. Ces divers témoignages créent une relation entre chaque parti ayant pris part au conflit.

Résultat de l'écoute :

Florence a besoin d'être facilitée. Ce conflit a touché tout le monde, y compris le médiateur, qui doit donc trouver à son tour de quoi être facilité. Emmanuelle, pour sa part, a révélé qu'elle a besoin de contribuer au bien-être des élèves, ce qui semble générer deux stratégies : gérer le programme pour pourvoir à leur besoin d'évoluer et au besoin d'être rassurés par rapport aux examens, et en même temps passer un certain moment à gérer les conflits. Elle trouve un manque de cohérence entre le temps dont elle dispose et ces deux fonctions à assumer. Quant à Alix et Audrey, elles prennent conscience en tant qu’anciennes élèves que ce monde d’adultes est là pour les accompagner mais qu’il y a une cloison entre chaque partie (adulte, élève ou même entre adultes ayant des statuts différents)

Résultat de la recherche :

Le groupe "établissement scolaire" (= profs + élèves + CPE, etc.) a besoin de connexion entre ses membres, spécialement pour pouvoir traverser et résoudre les conflits. Or les membres ne trouvent ni le temps ni l'espace pour créer et entretenir ces connexions. Il pourrait être envisagé de mettre en place une "salle à conflit", comme il existe un lieu pour manger, pour dormir... Un conflit touche toutes les personnes concernées, y compris le médiateur.


Analyse des échanges autour du sujet de Florence :


Nathalie nous révèle que nous venons d’offrir les ingrédients d’une justice réparatrice sous sa forme la plus naturelle puisque nous avons réuni chaque partie prenant part au conflit.

Pour en revenir à la sanction, nous l’utilisons parce que nous n’avons ni le temps, ni l’énergie pour faire autre chose. Celle-ci monte en grade si elle n’a pas porté ses fruits. Or, lors d’une conférence à laquelle Nathalie a assisté, il est ressorti que pour les garçons qui n’arrivent pas à rentrer dans les apprentissages, la sanction peut les conforter dans leur rôle de caïd, c’est leur récompense dans le sens où ils sont admirés par des filles entre autres. Pour celles-ci, l’enseignement leur est plus adapté.

Il est possible de faire autrement. Ainsi plutôt que d’exclure quelqu’un il vaudrait mieux l’inclure pour enrichir la communauté. Avec la créativité de celle-ci, un système naîtra pour que tous soient entendus avec la présence d’un(e) facilitateur(rice) mais il sera nécessaire de trouver un lieu d’écoute neutre du ou des conflits. A l’issue de cette écoute, un plan d’action créé ensemble devrait permettre que tout un chacun réalise son besoin.


Pour la prochaine rencontre, il reste à déterminer un lieu et le groupe du 12 janvier déterminera ce qu’il voudra partager.



Le compte-rendu de Florence

N'ayant pas vu que le Compte-rendu avait été rédigé, j'en avais fait un de mon côté, que je vous livre car il me semble qu'il vient compléter le 1er.

J’ai donc commencé à exposer la problématique qui m’encombrait ce jour là. Il s’agit d’une classe de 2nde de 35 élèves, composée pour moitié de garçons (presque tous en enseignement d’exploration Création et innovation technologique), moitié filles (presque toutes en enseignement d’exploration santé et Social). Très vite après la rentrée (fin septembre) une jeune fille de la classe me fait part de son extrême malaise. Elle l’attribue à un manque de sécurité généré par un groupe de 6 garçons très clairement identifiés. Ceux-ci perturbent les cours, l’empêchant de pouvoir se concentrer. Or, elle a des difficultés et c’est vraiment important pour elle d’être attentive et concentrée en cours pour pouvoir suivre. Par ailleurs, ces jeunes-gens passent leur temps à se moquer des autres élèves – et en particulier d’elle – ce qui la fragilise beaucoup. J’alerte donc la professeur principale (ML) et nous décidons de recevoir les six garçons pour leur renvoyer le vécu de cette jeune-fille mais sans la nommer. Néanmoins, après cette entrevue, je suis saisie de divers rapports d’exclusion de cours concernant notamment ces 6 élèves et faisant état de problème d’attitude. Courant novembre, et toujours avec la professeur principale nous décidons donc de recevoir individuellement ces garçons et leurs parents pour les mettre en garde sur leur attitude mais aussi en rechercher les causes. Il s’avère, que sous des formes différentes et à des degrés divers, ils se posent tous la question du sens de leur présence en 2nde générale. Nous mettons donc en place des stratégies de travail individualisées sur leur projet personnel. Le conseil de classe de cette seconde a lieu au début de décembre. Lors du tour de table général, tous les professeurs font état de leur mécontentement et pointent du doigt ces six élèves. ML et moi avons un moment d’incompréhension et de découragement que nous n’osons cependant pas exposer vraiment dans cette instance. Dans la semaine qui suit ce conseil, les six élèves incriminés sont exclus une à deux fois par jour par leurs professeurs sous des prétextes divers (absence de matériel, attitude déplacée, retard en cours notamment). ML et moi décidons de recevoir à nouveau ces élèves en groupe pour leur faire part de notre déception mais aussi de notre colère. Mais nous nous rendons alors compte que certains ont vraiment le sentiment de faire des efforts et d’avoir changé d’attitude et que ces exclusions répétées génèrent en eux un très fort sentiment d’injustice. Certains d’entre eux se montrent donc découragés et même à deux doigts d’abandonner.

J’en suis là quand j’expose cette situation. Je suis vraiment désemparée par le mal être exprimé par ces élèves, leur détresse me touche et leur démotivation m’inquiète. Par ailleurs, je ne sais pas quoi faire de cela.


Nathalie prend donc le relai pour présenter la démarche d’une justice réparatrice et non punitive. Le système de « Justice » de l’éducation nationale est un système du type « carotte/bâtons », « Récompense/Sanction ». Face à un problème, un conflit, on n’ rien d’autre à offrir qu’une sanction.

Comment changer de système, sortir d’une méthode basée sur la peur, pour passer à un fonctionnement dans lequel l’Autre répond à notre besoin parce que cela a du sens pour lui ? Quelques éléments peuvent être favorisants :  Partir d’observations plutôt que d’étiquetage (ex « élève perturbateur »);  Considérer tout conflit comme un élan au service de la vie et créer des espaces sécurisés pour le vivre pleinement.  Sortir de la logique Coupable/Victime  Entendre les deux parties et rechercher à satisfaire les Besoins de chacun.  Introduire un tiers qui ne soit pas partie prenante dans le conflit.  Laisser de côté les catégories (ex : CPE/Professeurs/Elèves) qui sont clivantes.  Considérer qu’un problème n’appartient pas à l’un ou à l’autre, mais appartient à la Communauté.

A partir de là, Nathalie et le groupe m’ont proposé :  De ne pas rester seule avec mon problème,  De le partager avec les autres professeurs de la classe en posant une demande : par exemple, « je me sens désemparée, j’ai besoin de lien, de sens, de cohérence.»  D’essayer de trouver un « facilitateur » qui pourrait m’écouter et m’aider à clarifier cette demande.


Les suites de la situation

Ce que j’expose ci-dessous c’est l’évolution de la situation telle que j’ai pu la vivre après notre rencontre du 1er décembre, et la partager avec le groupe CNV éducation le 12 janvier 2013.

Je n’ai pas trouvé de facilitateur à proprement parler, mais je me suis tournée vers ML - la professeur principale - qui m’a aidée à poser mon ressenti, identifier mes besoins et exprimer ma demande. Nous avons ensuite décidé d’envoyer le courrier suivant à toute l’équipe pédagogique :

« Chers collègues, Florence et moi-même avons été un peu décontenancées par le tour de table qui a introduit le conseil de classe de 2nde 2. Nous avions en effet reçu en entretien tous les élèves identifiés comme "perturbateurs", soit seuls, soit avec leurs parents. Lors de ces entretiens, nous avions commencé à identifier les facteurs qui pouvaient expliquer leur désintérêt pour leur scolarité et pour certains d'entre eux, des propositions positives (notamment de travail sur leur projet personnel) avaient commencé à se mettre en place. A l'issue de ces entretiens, nous avions donc bon espoir qu'une autre dynamique se ferait jour pour chacun d'entre eux. Aussi la présentation très négative de la classe qui a été faite nous a vraiment désappointées. Bien plus, le fait que l'attitude de ces quelque six élèves continue de masquer le potentiel très positif de la classe nous a mis en colère. D'autant que dès le lendemain du conseil de classe, et suite à la demande de M. B [Le proviseur adjoint] de signaler chaque incident par un écrit, nous avons reçu de nombreux rapports constatant les manquements, notamment de ces élèves (défaut de matériel, retards, problèmes d'attitude). Ce qui nous laisse à penser que la situation s'est encore aggravée.

C'est donc très courroucées que nous avons reçu Z., I., N., Ch., P.et Co., [Les élèves] vendredi matin. Nous leur avons fait part de notre déception et de notre colère mais aussi de notre détermination à nous montrer sévères si leur attitude perdurait. Néanmoins, à la fin de cet entretien collectif, nous avons aussi senti que certains d'entre eux se sentaient vraiment démobilisés par ce discours. Nous pensons que ceux-là ont vraiment fait des efforts pour changer d'attitude et que nos reproches et les sanctions risquaient vraiment de les faire décrocher, ou de les enfermer encore plus dans une attitude frondeuse. Attention, nous ne nions pas les difficultés rencontrées pour gérer ces élèves et n'excusons en rien leurs comportements ...nous ne voulons tout simplement pas arriver à une situation contraire à celle recherchée. Or, même si nous en arrivons à des réorientations pour ces élèves, elles n'interviendront pas avant la fin de l'année. De même, les rapports pourront déboucher sur des exclusions temporaires de l'un ou l'autre, mais bon an mal, il faudra bien finir l'année avec eux.

Face à la multiplication des exclusions et au discours de plus en plus radical des élèves ("Je vais quitter le lycée", ou "de toute manière je ne fais plus d'effort maintenant"), nous sommes donc vraiment désemparées. Nous aurions vraiment besoin de votre aide pour réfléchir sur la manière la plus efficace et la plus juste pour tous de gérer la classe. Seriez-vous d'accord pour y réfléchir lors d'une réunion de l'équipe pédagogique qui pourrait avoir lieu jeudi à 12H00 ? »


La réunion a bien eu lieu. 7 professeurs sur les 11 que compte la classe, y étaient présents : Mme la Professeur de SVT, Mme la Professeur d’espagnol, Mme la professeur de physique chimie, M. le Professeur d’Histoire-Géographie, M. le Professeur de SES, M. le Professeur d’EPS et M. le Professeur de CIT. Ensemble, nous avons décidé d’une prise en charge collective de ces élèves sous la forme suivante (extrait du CR de la réunion rédigé par la prof principale) :

« Après des échanges sur la classe, plusieurs pistes ont été retenues pour tenter de gérer au mieux ce groupe d’élèves perturbateurs : • Recevoir individuellement les familles des élèves qui perturbent la classe depuis le début de l’année. Seront présents à cette rencontre : - l’élève et ses parents, - les collègues volontaires et disponibles à l’heure du rendez-vous avec la famille, - Florence et moi-même. Nous avons pensé qu’il était important que tous les acteurs soient présents. En effet, des solutions doivent être trouvées et mises en place avec la participation et l’adhésion de tous. L’objectif de cette rencontre étant : - dans un premier temps de faire un constat de la gêne occasionnée par l’attitude de ces élèves dans la classe et des conséquences que cela aura sur la suite de leur scolarité. - Puis, générer ainsi la prise de conscience par l’élève et la famille des problèmes soulevés par certains comportements. Chacun pourra exposer son point de vue et rappeler ce que l’on est en droit attendre d’un lycéen. - Enfin, trouver des solutions aux problèmes rencontrées pour éviter d’en arriver à l’exclusion et donc de l’intérêt de tous d’agir ensemble. • Proposer à chacun le choix d’un tuteur dans l’équipe des enseignants volontaires afin de mieux les accompagner et de suivre leur évolution. Nous avons souligné l’importance de leur faire part de notre satisfaction lorsqu’une amélioration est constatée. »

Cette réunion nous a donc vraiment soulagées, ML et moi. En effet, le problème ne posait plus sur nos seules épaules, il redevenait celui de la communauté (ici l’équipe pédagogique). Par ailleurs les solutions proposées étaient plus riches que celles que nous aurions pu imaginer toutes les deux. Surtout elles continuaient d’impliquer l’équipe dans son ensemble. Bien plus, elles y associaient les élèves et leurs parents. Enfin, il n’y a plus eu d’exclusion de cours après cette rencontre.

(A Suivre)