Utilisateur:Stéphane Latapie-Bayroo/expérience2010-2011

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Présentation d' expérience CNV dans une classe de CP/CE1 ( cycle 2 ), année 2010/2011


Le sujet de cette expérience est le développement des compétences sociales  : amener les élèves à s'affirmer dans un groupe, à vivre harmonieusement les relations entre pairs, apprendre à communiquer, comprendre et respecter les règles, savoir gérer un conflit sans violence .

Il s'inscrit dans le cadre des programmes scolaires de l'école primaire ( B.O. juin 2008), au regard des extraits suivants ( chapitres : devenir élève et instruction civique ) : - pour le cycle 2 ( cycle de la classe de CP/CE1): "Les élèves apprennent les règles de politesse et du comportement en société. Ils acquièrent progressivement un comportement responsable et deviennent plus autonomes."

Il s'insère dans la progression suivante :

  • pour la maternelle :

"L’objectif est d’apprendre à l’enfant à reconnaître ce qui le distingue des autres et à se faire reconnaître comme personne, à vivre avec les autres dans une collectivité organisée par des règles, à comprendre ce qu’est l’école et quelle est sa place dans l’école. Devenir élève relève d’un processus progressif qui demande à l’enseignant à la fois souplesse et rigueur. Vivre ensemble : apprendre les règles de civilité et les principes d’un comportement conforme à la morale Les enfants découvrent les richesses et les contraintes du groupe auquel ils sont intégrés. Ils éprouvent le plaisir d’être accueillis et reconnus, ils participent progressivement à l’accueil de leurs camarades. À la fin de l’école maternelle l’enfant est capable de :

    • respecter les autres et respecter les règles de la vie commune
    • écouter, aider, coopérer ; demander de l’aide ;
    • éprouver de la confiance en soi ; contrôler ses émotions
  • pour le cycle 3 (classes de CE2/CM1 /CM2) :

"L’instruction civique et l’enseignement de la morale permettent à chaque élève de mieux s’intégrer à la collectivité de la classe et de l’école au moment où son caractère et son indépendance s’affirment. Elle le conduit à réfléchir sur les problèmes concrets posés par sa vie d’écolier et, par là-même, de prendre conscience de manière plus explicite des fondements même de la morale : les liens qui existent entre la liberté personnelle et les contraintes de la vie sociale, la responsabilité de ses actes ou de son comportement, le respect de valeurs partagées, l’importance de la politesse et du respect d’autrui."


Cette expérience a la particularité d'utiliser le travail de Marshall B. Rosenberg, psychologue clinicien collaborateur de Carl Rogers : communication non violente - CNV. Un processus qui vise à rappeler ce qui est essentiel dans les interactions humaines et à améliorer la qualités des échanges. La CNV m'a semblé être un outil pertinent pour tenter de répondre à :

  • quel cadre donner à un temps de paroles personnelles , sans être submergé par les histoires familiales ou les réglements de comptes et se centrer sur ce qui se joue au niveau de la personne enfant ?
  • que entreprendre quand on voit un élève préoccupé par une question relationnelle au sein de l'école, et que l'enfant devient distrait, agité ou décrocheur ?
  • comment adopter une attitude d'enseignant garant des règles et respectueux de l'apprentissage de l'autonomie relationnelle des élèves ?
  • que répondre de sa pratique professionnelle aux parents sur sa gestion des conflits entre enfants ?



Déroulement du projet et observations[modifier]

Ce projet de classe de CP/CE1 a commencé en janvier pour se poursuivre jusqu'à la fin de l'année scolaire. Il a été explicité aux élèves , comme aux parents comme le projet qui permettra d'organiser des temps de parole : des conseils de classe. Des temps qui se voudront des temps de dialogue réellement constructif : vers le dépassement des conflits dans le respect et la reconnaissance de chacun.

Le déroulement s'articule autour d'une approche des sentiments et des besoins humains. Deux notions importantes du processus de communication non violente - CNV .


Préambule, les sentiments :

Déroulement :

1. Support dvd, dessin animé la princesse arc en ciel environ ,10 minutes (cf L’arc-en-ciel des sentiments Livre + DVD Vilma Costetti et les Editions Esserci, cf. CNV

En résumé, c'est l'histoire d'une petite princesse dont les parents voulaient qu'elle soit élevée pour faire régner la paix. Alors, la reine fait appel à une fée pour que la princesse reçoive les dons nécessaires. La princesse grandit sans créer de conflits, mais, par exemple, elle ne réagit pas quand on l'embête . Elle tombe malade. Un inconnu diagnostique qu'elle est gravement malade car elle est coupée de ses sentiments...

Il a été présenté comme le point de départ d'un nouveau travail dans la classe... il a été dit que le projet serait expliqué petit à petit mais que l'objectif est d'organiser des temps de parole : des conseils de classe. Il a été regardé plusieurs fois en étant le support à des interprétations , d' échanges oraux.

Observations : Le DVD parle bien à l'imaginaire des élèves et laisse ouvert des questions sur l'importance des sentiments que l'on ressent et tout simplement sur la question : c'est quoi les sentiments ?


2. Liste de sentiments agréables, support photocopie

La liste a été donnée :

  • 1ère étape : pour les élèves - choisir un mot sentiment pour le dire à voix haute de sa place ( sans expliquer son choix)
  • 2ème étape : échanges/apport par le maître d' explications sur le sens de certains mots
  • 3ème étape : pour les élèves - choisir un mot sentiment qui correspondait à un état qu'ils ont eu à l'école


3. Liste de sentiments désagréables, support photocopie

Même déroulement que pour 2


4. Les listes de sentiments (2+3) sont réunies

Même déroulement que pour 2, avec en plus un dispositif d'affiche dans le couloir pour écrire selon l'envie un sentiment. Les enfants pouvaient inscrire le mot pendant les 10 premières minutes d'entrée en classe le matin.

Observations :

Cette étape à partir des listes de sentiments, s'est déroulée sur un mois ou même plus. Le tour de parole était assez rapide à régularité d'au moins 2/3 fois par semaine.

Les élèves ont acquis un vocabulaire nuancé.

Il y avait besoin d'apprivoiser les mots et il y avait une joie/ou peur perceptible de les dire à voix haute.

C'est avec sérieux que les élèves faisaient le choix du mot , ce fut déjà l'expression d'un choix libre et personnel... et cela a permis de poser les fondations d' un climat d'écoute bienveillante et de dépasser ce qui s'apparenter à une une pudeur, un blocage ou plus largement à une peur du regard et du jugement de l'autre.



Etape 2 : les conseils de classe 1 :

Déroulement :

1.Dispositif et outils : classe en cercle , un bâton de la parole et feuilles sentiments

Consigne : celui qui a le bâton parle, les autres écoutent. Il doit dire un fait important qui a été vécu par lui dans l' école et essayer de trouver le sentiment ressenti alors.

Si on ne veut pas prendre la parole, on passe le bâton.

Spontanément des élèves ont cherché le sentiment si l'autre ne trouvait pas mais c'est l'élève concerné qui devait choisir le plus juste pour lui.


Observations :

Il y a eu , très vite, des élèves très demandeurs et pas forcément les plus "bavards" en classe.

La proposition de chercher le sentiment collectivement :

  • a permis une dynamique collective
  • a permis d'apprendre que pour un événement on pouvait avoir plusieurs sentiments associés et que seul l'intéressé peut choisir pour lui. Le sentiment ne se discute pas !

La question de l'intensité du sentiment a été le sujet de plusieurs échanges : une tristesse ou une colère petite ou forte... et alors quels mots employer

J'ai observé un grand respect et sérieux sur ce qui se disait , la confiance était là. Il faut dire que la CNV a la particularité que l'on ne juge pas l'autre sur ses faits , mais que l'on se concentre sur ce que les faits engendrent et si jamais une sanction arrive elle est la conséquence d'un processus de compréhensions.

La capacité de concentration a fait que les conseils de classe ne devaient pas durer plus de 15/20mn. Des élèves étaient frustrés car tout le monde ne pouvaient intervenir. Il y a eu des demandes tous les jours de faire un conseil ... difficile de trouver un bon rythme, essais pendant 1 mois environ . Je suis arrivé à la conclusion qu'il fallait au moins 2 conseils de classe pour que le bâton de parole fasse le tour de la classe.



Etape 3 : les besoins

Déroulement :

1.Liste de besoins , support photocopie

- même déroulement que pour sentiments

Il a été dit que les sentiments étaient liés à un besoin ( cf CNV)

L'élève, à chaque rentrée en classe pouvait proposer son cas, et il cherchait avec la classe: fait /sentiment/besoin


Observations :

Les besoins de défoulement, de détente/récréation, d'être respectés sont souvent revenus. Cela a été une surprise pour les élèves de pouvoir exprimer ce besoin si fort pour eux du jeu et d'amitié. C'était bon pour eux d'être reconnu dans ça, sans jugements de manque de sérieux.

Le besoin de jeux reconnus a permis une autonomie des enfants les uns par rapport aux autres. J'ai pu entendre des bonnes copines  : "- Si tu ne veux pas jouer à ça tant pis , moi oui et je vais chercher quelqu'un qui veut bien.

-Ok, mais tu restes ma copine ?

-Oui, bien sur !"

Cela m'a renvoyé aux cas courants où au nom d'une amitié ou d'une relation de crainte. L'enfant se retrouve à faire ce qu'il n'a pas envie ou même à faire une bêtise par manque d'autonomie relationnelle ou d'affirmation de soi.


Il a été intéressant de parler de la diversité des besoins qui ne s'opposaient pas. Il a été utile de poser le besoin de calme dans la classe à respecter qui ne s'oppose pas aux besoins de jeu extériorisé dans la cour.

Exemples:

Jean* a trouvé qu'il bougeait toujours (même assis) car il avait de l'impatience car il avait besoin de travailler

Paul* avait mordu Arthur*. Arthur se plaint, il est en colère , il avait besoin de tranquilité pour jouer...quand je donne la parole à Paul : Paul se dit attristé, il a besoin de respecter Arthur et dit qu'il n'a pas su le faire.....Arthur l'a regardé et lui a serré la main .

Eve* trouvant injuste que sa voisine n'avait pas été réprimandée à cause de son matériel défectieux...alors qu'elle avait été trés vigilante...elle a exprimée sa colère et son besoin de compendre ce qui se passait. Le besoin que les régles soient les mêmes pour tous a été une question intéressante , cela a fait émerger les questions de la necessité des régles dans un groupe, de la souplesse ou non que l'on pouvait avoir.


Etape 4 : les conseils de classe 2 :

Déroulement :

- même déroulement que pour conseil 1, mais en incorporant les besoins .


Observations :

Les élèves ont été trés demandeurs... il m'est resté la question de la gestion du temps et de : que penser des élèves "muets" ?

Ce fut remarquable de se rendre compte qu'il était bon de dire les besoins de jeux, de complicité qui se vivaient à l'école.

Le thème de la colère est revenu souvent, avec de toute évidence des modes d'expressions variés.

Exemple :

Victor* a vu que Lou * a fouillé dans son cartable. Il se dit en colère. Les autres sont étonnés car il est très calme en apparence. Ils lui font remarquer, mais il redit qu'il est en colère. Il demande à Lou de ne plus toucher à son cartable. Il lui est demandé le besoin qu'il ressent. Il fait comme s'il n'écoute plus. Les autres proposent le besoin de respect. Il acquiesce de la tête. A un autre moment du conseil, Victor dit qu'il est très heureux d'avoir parlé et cela se voit effectivement!

Le besoin d'amitié , de partage a permis à certain d'expliciter leurs bonnes relations.. et si le besoin n'était pas satisfait le conseil a été un lieu pour pouvoir le dire dans un climat d'accueil et de paix.

Exemples :

Pierre* dit que les filles disent qu'il a menti. Il est triste. C'est Marc qui trouve le besoin de Pierre : un besoin d'honnêteté.

Clara* dit que sa voisine de table lui parle en classe. Elle est agacée. Elle exprime son besoin de tranquilité.

Julie* dit que les garçons la critique toujours parce qu'elle leur dit ce qu'ils doivent faire ( et selon elle, à raison) et elle exprime que ce qu'elle a besoin c'est de complicité avec eux... mais qu'elle ne savait pas comment faire car elle voyait bien qu'elle vexait les garçons .

Tanguy* dit que les filles l'embêtent et alors il les pousse . Elles s'en plaignent . Il est en colère. Aprés différents essais de mots besoins, il est satisfait de dire qu'il a besoin de force, de s'affirmer. Les filles répondent qu'elles aussi ont un besoin de s'affirmer et il en est d'accord !

Pour cet exemple , j'ai du me mettre en situation d'interpellation. Il ne s'agisait pas de laisser croire qu'un acte de violence était autorisé pour assouvir un besoin d'affirmation de sa force. La question finale de cet échange a été : comment s'affirmer sans embêter l'autre ?

Un début de réponse a été proposé : se servir de sa force pour aider les autres ...

Non, les besoins ne sont pas à assouvir sans respect de son environnement !


(*faux prénoms)



Bilan[modifier]

La base du travail était les compétences sociales :

  • sur l'affirmation de soi , apprendre à communiquer :

La CNV a contribué à l'expression de soi et même à une meilleure connaissance de soi pour les enfants. Le travail à partir des listes peut s'apparenter à une forme d'alphabétisation des sentiments et des besoins . Les paroles justes n'étaient pas discutables , elles étaient personnelles. Mais, pour un grand nombre d'enfants c'est difficile de parler de soi ! Dans cette recherche, j'ai prévu un travail sur l'expression des sentiments à travers la voix et le corps en collaboration avec des intervenantes musique et danse pour l'année prochaîne.

Le groupe est devenu le témoin et l'appui pour que chacun soit entendu et fortifié dans ce qu'il vit . Pour un travail futur , il sera intéressant de proposer plus souvent de faire des demandes. Sur cette expérience bien souvent c'était la même qui revenait : de ne pas recommencer, et cette requête un peu systématique perdait de sa valeur.

  • à vivre harmonieusement les relations entre pairs :

Il y a eu beaucoup de partages et d'écoute où toute parole est au même niveau . Certains enfants par le biais de ce lieu de parole ont pris leur place au milieu de leur camarade . Pour aider les plus silencieux, une organisation de petits groupes de partage devra être judicieux.

Dans le groupe classe, la CNV a été, aussi, l'outil de l'apprentissage du respect de l'autre : l'autre comme être unique qui a sa manière de ressentir , qui a des besoins qui s'expriment et qui ne s'opposent pas

  • comprendre et respecter les règles, savoir gérer un conflit sans violence :

Les conseils de classe ont été un lieu pour savoir dire , être écouté dans ce qui se vivait d'important pour chaque élève. Il y avait une certaine solennité et même une gravité..

Les règles de l'école ont été mises à l'épreuve du quotidien et leurs nécessités a été prouvées, ceci dans un climat de bienveillance où les faits étaient dits sans violence. Car, avec la CNV, l'élève témoigne à partir de son ressenti et ne juge pas l'autre mais uniquement ce que le fait produit sur lui .


- De plus, il y a un gain sur le travail scolaire en permettant  :

  • d' instaurer un climat de classe serein et donc des élèves plus concentrés sur les apprentissages d'une manière générale
  • de faire que les élèves ont eu une moindre peur du regard des autres, et une envie de participer plus.

On illustre, ici, que, si l'enfant-élève se sent respecté dans ses ressentis, il s'oriente naturellement vers une adhésion au projet d'apprentissage de la classe.


Il n'y a eu que des retours positifs de la part des parents lors de temps de discussions informelles en fin d'année.Ils ont utilisé les mots : dialogue , expression des sentiments, gestion de conflits ont été utilisé par eux. La liaison avec les parents est un point à travailler, tout comme les traces à laisser de ce travail ( on m'a suggéré de créer un jeu de 7 familles).


De non côté,d'enseignant, cette expérience fut riche, il y a eu, par exemple :

  • des inquiétudes sur les contraintes de temps, au regard des temps de parole longs. Mais, au final, une telle démarche diffère les prises de parole et ainsi permet une gestion du temps plus définis.
  • une prise de conscience de la grande sensibilité des élèves à ma fiabilité. La bienveillance était couplée avec une exigence.
  • une explicitation des moments ou j'étais plus souple avec l'un ou l'autre
  • une économie des temps de discipline magistrale.




Stéphane Latapie Bayroo , Professeur des Ecoles - LILLE