Formations CNV au Congo

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Formations CNV au Congo

COMMUNICATION NONVIOLENTE ET GESTION POSITIVE DES CONFLITS

FORMATIONS EN REPUBLIQUE DEMOCRATIQUE DU CONGO (RDC)

SYNTESE DE LA MISSION EFFECTUEE PAR PIERRE MUANDA

A KINSHASA DU 16 DECEMBRE 2009 AU 3 JANVIER 2010

1. Introduction A la suite des guerres successives connues par la République Démocratique du Congo, des faits comportementaux nouveaux sont observés au sein de la population : viols, vols à main armés, haine, vengeance, massacre des vies humaines, pillages, déscolarisation massive, émergence des phénomènes dits : « kuluna »(1), « enfants dits sorciers », « enfants soldats »… Nous estimons qu’un changement social par l’éducation et la formation permettraient d’éveiller des consciences sur des valeurs qui contribueraient mieux au développement endogène du pays. C’est ainsi que, depuis 2008, nous travaillons dans cette optique par des formations en Communication NonViolente (CNV) et gestion positive des conflits. 300 participants ont déjà suivis nos formations. Deux groupes de pratiques sont déjà mis sur pieds. Une équipe de 30 personnes approfondissent actuellement ces enseignements dans l’espoir de devenir eux-mêmes formateurs. Une bibliothèque CNV comptant 31 ouvrages est aujourd’hui opérationnelle à Kinshasa. Du 16 décembre 2009 au 3 janvier 2010, nous avons poursuivi la réalisation de ce projet à Kinshasa. Ce dernier voyage fait l’objet du présent rapport.

2. Objectifs de la mission

 Refixer les notions fondamentales apprises lors des sessions antérieures sur base des réminiscences des participants, des exercices pratiques de drill et des jeux des rôles ;

 Au-delà de la dimension théorique, s’assurer, à partir de multiples connexions et contacts avec les participants, comment s’intègre la conscience cnv dans leurs vies quotidiennes et la prise de conscience sur des valeurs fondées sur la bienveillance telles que l’honnêteté, la transparence, la vérité, le respect, la sécurité, le partage… ;

 Aborder dans la formation, le volet « gestion positive des conflits » ou la résolution pacifique des conflits par la médiation en cnv ;

 Répondre aux demandes de médiation reçues dans la foulée de cette troisième session de formation consacrée à la médiation ;

 Entretenir des contacts utiles avec différentes institutions et personnalités susceptibles de contribuer à la vulgarisation de la cnv et l’ouvrir à d’autres possibilités ;

 Donner un temps d’empathie en faveur des enfants vulnérables (les enfants mineurs enfermés au pavillon 10 de la prison centrale de Kinshasa ; les enfants de la rue, les enfants dits sorciers).

3. Activités réalisées Arrivée à Kinshasa le 17 décembre 2009. Début des activités le 18 décembre 2009. Suite aux embouteillages monstres sur les routes de Kinshasa, je quittai la maison entre 6H et 7H du matin pour être sûr d’arriver à temps, à 9H., sur le lieu de formation et je n’étais de retour qu’à partir de 18H30

(1) Kuluna : dénomination des groupes de jeunes (12 à 18 ans) très violents, armés de couteaux, bâtons, pierres… très dangereux, qui tuent et pillent tout sur leur passage.

 Du 18 au 20 décembre 2009 : deuxième session avec le groupe du CATSR (Comité d’Appui au Travail Social de Rue) à Matonge/Kinshasa

 Du 21 au 23 décembre 2009 : première session de formation de 32 Syndicalistes de la SYECO (Syndicat national des enseignants du Congo).

 Le 24 décembre : de 8H à 10H : visite et entretiens au Bureau de BICE (Bureau International Catholique pour l’Enfance) (Crispin MULUMBA et personnel présent). De 11H à 22H. 1ère séance de médiation avec le couple1 Le 25 décembre : de 10H à 20H : Médiation en une séance avec le couple 2.

 Le 25 décembre 2009 :10H à 16H : résolution d’un conflit familial. De 17H à 20H : deuxième séance de médiation avec le couple1.

Du 26 au 28 décembre : troisième session de formation avec le groupe de Kintambo.

Le 27 décembre de 17H. à 21H : troisième séance de médiation avec le couple1.

Le 28 décembre de 16H à 19H : visite et entretiens au bureau d’IDAYS International (Roger KATEMBWE).

 Du 29 au 31 décembre : troisième session de formation avec le groupe du CATSR. Accueil et participation à la formation de Jill MASSONET et Florence PERRUVY, deux Françaises en séjour à Kinshasa qui ont entendu parler de nos formations à partir de la France (Association française pour la cnv) et qui étaient intéressées à participer à nos formations cnv pendant leur séjour en R.D.C.

 Le 1er janvier 2010 Trêve de Nouvel An : visites aux amis et membres de ma famille.

 Le 2 janvier 2010 : Visite empathique aux enfants mineurs à la prison centrale de Makala/Kinshasa.

 Le 3 janvier 2010 voyage retour vers la Belgique.

4. Quelques témoignages des participants

4.1 Madame LL : « si cet enseignement peut aider comme ça les gens à choisir d’autres comportements que la violence, la corruption, la malhonnêteté… alors cette formation cnv c’est le type d’éducation qu’il nous faut pour tout le Congo » ? 4.2 Madame T. L. : « J’ai mieux compris les subtilités pour ne plus confondre : donner de l’empathie - prodiguer des conseils - dire à quelqu’un ce qu’il doit faire’ » ! 4.3 Monsieur N.J. : « je pense que ce qui me pose encore problème dans ce processus, c’est d’être capable de reformuler, refléter… les sentiments et les besoins dans un dialogue empathique ». 4.4 Un syndicaliste enseignant : « Pierre, n’es-tu pas un agent envoyé par les Européens pour nous amadouer par ta non-violence en vue de nous rendre amorphes face aux agressions intempestives de notre pays et le pillage de nos richesses par des étrangers ? » 4.5 Un enfant mineur du Pavillon 10 de la prison centrale de Kinshasa : « S’il vous plaît monsieur, ceci est le numéro de téléphone de mon père, quand vous aurez fini votre visite ici, accepteriez-vous de convaincre mon père à venir me rendre visite, qui sait si je sortirai vivant d’ici, je suis très malade ».

5. Résultats obtenus 5.1 L’éveil des consciences. A travers les contacts et les connexions avec les participants, on peut se rendre compte que, dans l’expression verbale ou comportementale, une conscience fait son chemin. Beaucoup ont témoigné que depuis qu’ils suivent ces formations ils commencent à se rendre compte, après coup, qu’ils auraient mieux fait d’agir autrement dans une situation spécifique qu’ils viennent de vivre. Ils sont alors prêts à proposer comment ils auraient procédé de manière constructive (sans vouloir avoir raison, en écoutant les besoins de l’autre, en dialoguant…) . D’autres témoignent qu’avant d’agir ils commencent par se poser la question sur la meilleure façon d’agir (agir d’une manière qui contribue à la vie). Ceci nourrit le besoin de partage d’une conscience bienveillante à l’origine du projet.

5.2 Les groupes de pratique. Les deux groupes de pratique ont souhaité continuer et approfondir la série des exercices de drill et des jeux des rôles comme nous l’avons fait durant ce troisième module de formation. Cette volonté traduit le besoin d’approfondissement du processus dans le but de mieux intégrer ce nouvel art de vivre.

5.3 La capacité de gérer pacifiquement des conflits est plus que jamais une des compétences la plus attendue et accueillie avec enthousiasme par les participants. Il faut dire que la période post-guerre et les mésententes que la guerre a générées justifient le succès et les besoins de paix, d’entente, d’entraide, de fraternité que cet outil permet désormais de réhabiliter et de combler.

5.4 La télévision congolaise a fait un large écho positif à la formation suivie par le groupe des syndicalistes enseignants du Congo. Les interviews recueillies auprès des participants témoignent de l’importance et de l’intérêt manifestés par cette formation qui remet en question les mentalités. Les syndicalistes ont exprimé le souhait de voir les autorités à tous les niveaux suivre cette formation. Nous sommes en possession d’une copie en DVD qui nous a été vendue par la chaîne de télévision qui a diffusé l’information. Un matériel qui répond à un besoin d’informations diffusées à grande échelle.

5.5 Les institutions commencent à s’intéresser à ces formations : depuis plus de trois ans nous avons proposé le bien fondé de la cnv ; la demande de formation émanant du Syndicat des enseignants est un signe évident de l’effet boule de neige et renforce notre espoir de vulgarisation de ces formations pour l’amorce d’un changement social.

5.6 Des contacts fructueux avec d’autres institutions telles que le BICE (souhait d’élaborer un projet de formation cnv en faveur de son personnel disséminé à travers le pays) -l’IDAY International (difficulté de contacts avec IDAY de l’Est du Congo, mode d’encadrement des enfants de la rue, leurs besoins d’alphabétisation et d’espace pour apprendre, devis et frais y afférents pour l’élaboration d’un devis des travaux de réhabilitation du centre de détention pour jeunes de Mbenseke Futi, souhait d’un ordinateur portable) - les institutions pénitentiaires (poursuite des formations avec le personnel de prison). Tout cela ouvre des portes et assouvissent nos besoins de partenariats, de collaboration pour les formations ultérieures.

5.7 La cnv et les enfants vulnérables, depuis notre rencontre avec Yannick Arlabosse-Titz et Jean-Maurice Muret en juillet 2009 à Kinshasa, la cnv au Congo s’intéresse et est active dans un milieu où les besoins d’empathie, d’aide, ou de toute forme de manifestation d’un regain d’humanité sont plus que nécessaires. Il s’agit particulièrement des enfants mineurs en prison, des enfants de la rue et des enfants dits « sorciers ». Durant notre séjour, nous avons donné de la nourriture et de l’empathie aux 100 enfants mineurs de la prison centrale de Kinshasa. Ils étaient contents de notre visite. Ils ont regretté que le réchaud offert par le couple suisse est tombé en panne et que leurs vêtements sont redevenus le combustible principal pour faire du feu et cuire leurs repas. Ils ont exprimé leur reconnaissance à Yannick et Jean-Maurice en qui ils ont reconnu la sensibilisation inoubliable sur le bien fondé des « pois chiches » (en réalité des graines germées) comme aliment nutritif à peu de frais. Quant aux enfants de la rue, nous en avons rencontré un échantillon, dénudé, avec un besoin manifeste de nourriture, de vêtements, d’un espace pour apprendre à lire et à écrire.

5.8 La présence de Jill M. et Florence P., deux Françaises qui, étant présentes au Congo pour une autre mission humanitaire et ayant pris connaissance des formations cnv au Congo par l’Association française pour la cnv ont choisi de participer aux formations du 28 au 31 décembre. Elles ont exprimé leur joie pour la qualité et la richesse des connexions établies avec les participants. Ces présences témoignent de notre besoin d’appartenance, de tisser des liens, d’échanges et de partage à partir du réseau international de la cnv.

5.9 La bibliothèque cnv au Congo s’agrandit : c’est extraordinaire de constater qu’une bibliothèque de 31 ouvrages sur la cnv est aujourd’hui opérationnelle à Kinhasa. Pour faciliter le prêt des livres et tenir compte des distances et de la difficulté des transports à Kinshasa, ces ouvrages sont répartis en deux bureaux au siège des deux groupes de pratiques, à Matonge et à Kintambo. Ces livres sont essentiellement des dons reçus des personnes, parmi lesquelles certaines nous sont totalement inconnues, mais éprises d’élan à soutenir nos efforts du projet cnv au Congo (Anne Van Stappen, Marie Annick de Saône et Loire en France, Editions Jouvence, Yannick A.T et Jean-Maurice M., Vincent Houba, Pierre M.). Cette contribution nourrit particulièrement des besoins évidents d’approfondissement de connaissances, d’épanouissement intellectuel, de découverte, d’autonomie et d’auto formation des participants.

5.10 La cnv prend des racines au Congo : à voir l’ensemble des activités et des participants qui désirent devenir formateurs, nous pouvons affirmer avec beaucoup d’espoir que la graine de la cnv semée au Congo commence à germer pour l’instauration de la paix en vue d’un changement social espéré.

6. Reconnaissance : L’aide en termes de dons de livres ou de contribution financière, d’empathie, de mots d’encouragements reçus de plusieurs amis et formateurs suisses, français, luxembourgeois, belges et du Cercle des Régions ; les mises en garde quant à l’insécurité régnante à Kinshasa, l’élan des prières, des énergies positives, toutes ces marques d’amitié et de sympathie sont fort touchantes et me rassurent sur l’amour et le soutien qui m’accompagnent et m’entourent, tant moralement que spirituellement. Ce qui me permet d’ailleurs d’accomplir ces missions à la fois avec courage, prudence et particulièrement avec l’élan du cœur. C’est tellement rassurant de me sentir soutenu. Que chacun et chacune de vous trouve ici l’expression de ma profonde gratitude, Ce qui a été offert ou fait a autant de prix, de sens et vaut son pesant d’or à mes yeux.

7. Difficultés rencontrées : L’absence des moyens de transport publics à Kinshasa, les tracasseries à l’aéroport, les interminables heures d’attente (de 22H à 5H. du matin) pour récupérer nos valises arrivées deux jours plus tard, ont constitué le lot des réalités vécues. En même temps, tout cela ne peut entacher ma joie de savourer les bénéfices de tant d’efforts, de sacrifices et des soutiens qui ne cessent de m’encourager.

8. Et la suite ? Notre plan d’activités prévoit cette année, d’une part la suite de formation d’approfondissement au groupe d’enseignants, au groupe des syndicalistes et aux éducateurs des enfants de la rue ou d’autres enfants dits vulnérables réunis au sein du Comité d’Appui au Travail Social de la Rue, d’autre part de nouvelles formations faisant suite aux différents contacts et demandes de formation formulées notamment un comité d’encadrement des couples et par le Bureau International Catholique de l’Enfance (BICE). Soit, dans l’ensemble, un nombre total de deux cents personnes supposées suivre cette série de formation.

Publié le Jeudi 25 février 2010, par Françoise Berry (http://nvc-europe.org/SPIP)