La joie d'être père (ou mère)/Repas dominical en famille (Titouan 3 ans 4 mois ; Solal 5 mois)
Enfin le week-end et l’occasion de manger tous ensemble, Marie, Titouan, Solal et moi.
La famille « l’ami du petit déjeuner » version déjeuner, table cirée et saucisses-purée pour tout le monde. Cœurs de parents au beau fixe, remplis de l’espoir d’un repas partagé avec nos deux bambins réunis, l’un sur sa chaise haute de grand, l’autre sur les genoux de sa Maman : c’est tellement chouette de pouvoir vivre des moments tout simples tous les quatre ensemble.
Sauf que bien sûr, ça ne se passe pas du tout comme dans le scénario. C’est sans doute que l’on a oublié d’inviter l’ami Ricoré. Du coup, Titouan commence à chipoter, à ne faire que picorer, puis à ronchonner, à marmonner dans sa futur barbe et à commencer à sérieusement faire se dresser les poils de la barbe à papa.
Furieux de son refus de manger, de mon incapacité à comprendre ce qui peut bien lui arriver, de ce bon moment gâché, je l’empoigne par la taille et descends l’emmener dans sa chambre à coucher : gâcher pour gâcher, au moins il sera reposé et nous pourrons, même s’il ne le permet pas, déjeuner en paix. Bref, je suis sacrément énervé et pas du tout CNV.
Une descente d’escaliers et une profonde inspiration plus loin, je me décide enfin à regarder mon fils au-delà des mots et des cris, au-delà des pleurs, au-delà des gestes de refus, des grimaces, et à voir les pieds et poings lancés comme des S.O.S d’un gamin en détresse.
« Tu es très en colère Titouan ?
- Ouinnnnn !!!! Tape du pied, cogne des mains
- Je ne comprends pas ce qui se passe. Tout allait bien et tout à coup, rien ne va plus…J’aimerais vraiment que nous puissions déjeuner ensemble tous les 4…
- Ouinnnnn !!!!
- (ok, il s’en fout – qu’est-ce que ça peut être son problème à lui ?) - Tu es contrarié parce que Maman et moi nous parlions ensemble et ne faisions pas assez attention à toi ?
- Ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !!!!!!
- Et c’est pour ça que tu as arrêté de manger ?
- Ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !!!!!!
- Ok, si nous faisons plus attention à toi, tu veux bien revenir manger ?
- Noooonnnnnnnnnnn !!!
- (bon, il y a autre chose, c’est quoi ?) - Tu es en colère parce que Solal était sur les genoux de Maman et que tu crois qu’elle s’occupait plus de lui ?
- Ouiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiiii !!!!!!
- Humm…(inspiration et silence d’acceptation) - Alors si par exemple, tu t’installais sur les genoux de Maman pour manger, ça te ferait plaisir ?
- Le sourire radieux arriva bien avant le « oh Oui !!! » claironné. Et oui, même en CNV, les lois de la physique sont préservées : la lumière va plus vite que le son !
Nous sommes remontés finir le déjeuner, Titouan assis sur les genoux de Marie, heureux de savoir qu’à 3 ans passés, il pouvait, l’espace d’un déjeuner, redevenir notre bébé.
Je suis toujours ébahi de voir comme la frontière est ténue entre le rire et les drames, et comme les mots peuvent percer des fenêtres de lumière et faire s’évanouir des murs d’incompréhension, et ce, presque en moins de temps qu’il n’en faut pour les prononcer.
Alors, même si je suis en parti frustré de tous ces moments où les mots ont bâti des murs, je continue à vouloir chercher et trouver ceux qui les feront s’envoler.